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Admettons-le, ce n’est pas un temps facile pour être queer n’importe où dans le monde.

La situation dans certains pays ne peut qu’être qualifiée de «génocidaire». Des directives, décrets et des actes exécutifs, chaque fois pire que le dernier, ont effectivement créé un État policier de régulation des corps et des identités — l’un où le simple fait d’être trans est assez pour se faire dénier un passeport, un visa, voire même se faire criminaliser, où le simple fait de prendre compte des besoins des personnes trans dans une étude est suffisante pour se faire définancer et censurer.

En écrivant ces dernières phrases, je référais aux États-Unis — le même État impérialiste qui cherche actuellement à annexer le Canada, et dans le processus, tuer notre système de santé et nos droits fondamentaux. Le même pays qui fait un 180° total sur les questions de la santé publique et les droits humains en général, et qui reste le seul non-signataire de la Convention relative aux droits de l’enfant. Génial, n’est-ce pas?

Au nord de la frontière, la même chose s’applique. Les lois anti-trans les plus publicisées restent ceux en Alberta et en Saskatchewan — malheureusement, aussi les lois les plus néfastes, interdisant entre autres l’accès à des soins de santé transaffirmatifs essentiels pour le bien-être et plein épanouissement des jeunes trans (dans le cas de l’Alberta) et dérogeant des droits à la vie, liberté, sécurité de la personne et à l’égalité que bénéficient tous·tes les Canadien·nes (en Saskatchewan). Certaines universités, notamment en Alberta, annulent leurs engagements envers l’équité, la diversité et l’inclusion afin d’apaiser des gouvernements de droite. On penserait que ce serait, à première vue, la Floride! Et, bien sûr, ça ne fait qu’un mois que la politique 713 — qui, lorsqu’elle a été modifiée en 2023, a été le smoking gun qui a signalé qu’il serait désormais acceptable d’importer la haine anti-trans légiférée — a été remodifiée afin d’adresser le préjudice commis par l’ancien gouvernement Higgs.

Cependant, une alternative existe. Nous avions la possibilité, à un minimum, de créer un monde qui ne s’avère pas hostile à nous autres, mais plutôt inclusive — suffit juste à voir la défaite massive de Blaine Higgs pour savoir pourquoi! Le Canada — et faut le reconnaître, c’est un pays bâti sur des terres volées, et notre système politique ne changera jamais ça — va entrer en période électorale bientôt, et la conclusion risque d’être déterminante quant au trajet que ledit pays va prendre dans les années à venir.

Qu’est-ce qui est en jeu pour les droits des personnes trans durant la prochaine élection fédérale? 

Beaucoup.

En bref, l’humanité même des personnes trans sera mise aux urnes électorales. Beaucoup d’attention a été mise sur les politiques du Parti conservateur du Canada, qui continue à commander une avancée massive sur les autres partis politiques fédéraux (pour l’instant). Celui-ci a viré significativement vers la droite depuis les dernières élections fédérales en 2021. Peux-tu imaginer qu’à l’époque, il y avait une femme trans candidate avec eux — quelque chose qui, quatre ans plus tard, serait impossible à imaginer? Oh, que les bons vieux temps, ça me manque.

Pierre Poilievre, le leader dudit Parti conservateur depuis 2022, a essayé d’éviter les sujets trans jusqu’en début 2024. Cependant, il a dû éventuellement céder la base à un parti comprenant un nombre excessif de militant·es anti-choix et anti-trans : depuis septembre 2023, c’est officiellement la position du Parti conservateur à chercher à interdire les soins d’affirmation de genre. En 2024, il l’admet sur caméra : il veut interdire les bloqueurs de puberté et l’hormonothérapie pour les jeunes personnes trans — des soins déjà reconnus en tant que meilleur cours d’action pour eux autres — tout en défendant l’Alberta pour ses lois (à l’époque une simple proposition de loi) anti-trans. Il ira encore plus loin avec des commentaires subséquentes, suggérant interdire les femmes trans des toilettes et des vestiaires pour femmes, effectivement cherchant à les enlever de la vie publique. Finalement, il a récemment pris le temps de s’attaquer au fait même qu’une femme trans peut être enfermée dans une prison pour femmes — prenant soin de les mégenrer et de les déshumanisant, les appelant des «hommes» et des «hommes biologiques», comme est trop souvent la pratique au sein de l’extrême-droite anti-trans.

L’entourage de Pierre Poilievre n’est pas tout beau non plus. Melissa Lantsman, députée ontarienne conservatrice gaie et ex-alliée de la communauté, a répondu tout simplement que les interdictions de toilettes anti-trans proposées par Poilievre sont «la position du Parti conservateur», un volte-face de sa défense historique des droits 2ELGBTQ+ dans ledit parti. Michelle Rempel Garner, députée à Calgary et ex-forte alliée pour la communauté queer, a littéralement couru d’un journaliste de la Hill Times qui a voulu la questionner sur ce sujet. Ces deux députées étaient historiquement les alliées les plus fortes qu’on avait en dedans. Le volte-face visible depuis l’an dernier signale qu’il n’y a tout simplement plus de place pour la diversité au sein du Parti conservateur.

Il ne serait pas surprenant non plus si Poilievre et cie amenait des lois et des politiques anti-trans à l’états-unienne ici au Canada, si son parti remporte les élections. Je n’ai pas de boule de cristal, mais des changements potentiels pourraient avoir lieu partout où la transinclusivité actuelle repose sur une directive administrative ou d’autres «bonnes pratiques» — tel que les passeports, qui ne reposent que sur un décret facilement modifiable sans intervention législative. Presque toutes les tactiques utilisées pour tenter d’introduire des lois antiavortement au Canada — un autre passe-temps adoré du Parti conservateur — pourraient être utilisées pour attaquer les droits des personnes trans. L’on peut aussi assumer qu’un gouvernement conservateur pourrait faire fi des droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés — comme Poilievre l’a promis de le faire, au moins en certaines matières criminelles.

Nous sommes chanceux·ses que les autres partis politiques fédérales, a priori, refusent carrément de laisser de telles positions passer. Cependant, il faut se le dire — et il faut se le rappeler — l’on ne vit plus dans le «bon vieux temps». Nous vivons actuellement dans un âge durant lequel les partis politiques prônant un «petit gouvernement» et la responsabilité fiscale se retrouvent à plutôt utiliser le poids entier de la bureaucratie pour écraser des minorités. Ce n’est pas mon rôle de influencer qui vous aller voter pour, mais si une chose est certaine, pensez-y bien — et ne faites pas confiance au jugement que vous auriez pu avoir il y avait quatre ans!

Bâtir un futur

Résister restera toujours une possibilité. Je sais qu’en ce moment, les choses vont pas bien pour notre communauté. En même temps, on a réussi à rester en vie et fleurir, malgré tout. Je n’irai pas dans les exemples historiques que j’utilise tout le temps — plutôt, je vous parlerai de qu’est-ce qui se passe en Acadie. Il y avait une époque où Higgs et compagnie étaient toujours en avance — quelque chose qui a pu se renverser, entre autres, grâce au militantisme de notre communauté partout suite aux modifications à la politique 713 en 2023. Et, pour en parler de choses un peu moins «politiques partisanes» : nos communautés continuent à devenir de plus en plus résilientes. Toute la force qui a été utilisée pour mobiliser nos communautés avant la plus récente élection provinciale existe toujours. La lutte, elle continue; il est de notre devoir à garder la flamme militante au sein de chacun·e d’entre nous éveillée, pour les moments qui vont s’en venir.

Certes, les choses semblent évoluer très vite à l’heure présente, mais ça n’a pas toujours été comme ce. La bataille pour les droits des personnes queer en est une qui comprend des siècles de résistance à la coercition étatique et le colonialisme patriarcal. Ce n’est pas du jour au lendemain que nous allions toustes être libres, mais nous pouvons au moins continuer à paver la route vers la libération de toustes les personnes queer et trans d’à travers le monde.

Celeste Trianon

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